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L’oeil de l’expert #8

L’Open Data dans la loi pour une République numérique : vers de nouvelles opportunités pour les sociétés innovantes

 

Introduction

A l’ère du tout numérique, de la multiplication des applications logicielles, du traitement toujours plus puissant de données permis par le Big Data, ou encore des potentialités que promet la Blockchain, l’ouverture des données publiques représente une grande richesse et des opportunités parfois sous-estimées pour les sociétés innovantes.

Une donnée ouverte (en anglais Open Data) est une information publique brute qui a vocation à être librement accessible et réutilisable. Depuis le début des années 2000, un mouvement global a poussé vers le renforcement de l’Open Data, avec l’idée selon laquelle la réutilisation des données publiques doit promouvoir la transparence gouvernementale, valoriser les informations publiques, stimuler l’innovation et favoriser la croissance économique.

En France, ce mouvement a d’abord été initié par les collectivités territoriales, suivies de l’Etat qui a mis en œuvre une politique particulièrement dynamique en la matière. Cette politique a conduit à la mise en ligne de la plateforme www.data.gouv.fr (avec aujourd’hui plus de 20 000 jeux de données disponibles), gérée par un service du Premier ministre, la mission Etalab.

Alors que la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a renforcé l’ouverture des données publiques, en adoptant notamment le principe d’une ouverture par défaut, et que les premiers décrets d’application concernant les données publiques ont été adoptés courant 2017, il est utile de faire un point sur les règles aujourd’hui en vigueur en matière d’Open Data.

  1. Quelles données sont concernées par l’Open Data ?

Le présent article s’intéresse aux seules données issues des services publics au sens large (Etat, collectivités territoriales, entités de droit privé ou de droit public poursuivant une mission de service public, etc.). Pour autant, il est à noter que les entreprises privées peuvent également décider d’ouvrir et de partager leurs données (la plateforme www.data.gouv.fr prévoit d’ailleurs cette possibilité).

S’agissant des services publics, les organismes produisant des données peuvent être tant les administrations centrales, les autorités administratives indépendantes, les communes, conseils généraux, ou encore Pôle Emploi, la SNCF, la RATP, la Caisse des Dépôts, etc.

Les données publiques issues de ces organismes peuvent quant à elles être très diverses. Il s’agit aussi bien d’informations géographiques, statistiques, que d’horaires de transport, d’annuaires, ou encore de données relatives aux impôts, budgets, subventions, mesures de qualité de l’air, adresses des services publics, résultats électoraux, etc…

  1. Comment accéder aux données publiques?

Les informations publiques les plus pertinentes, dénommées « données de référence » sont disponibles en libre accès sur www.data.gouv.fr dans le but de faciliter leur réutilisation, étant précisé que conformément à la loi pour une République numérique, les données publiques doivent être mises à disposition dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Ce portail unique ne recense toutefois pas l’intégralité des informations publiques susceptibles d’être obtenues auprès de l’administration. Au-delà des informations diffusées sur le portail, les administrations qui produisent ou détiennent des documents administratifs contenant des informations publiques ont l’obligation de publier annuellement un répertoire listant ces documents ainsi que les conditions de leur réutilisation. Ce répertoire doit être accessible en ligne sur le site internet de l’administration détentrice.

  1. Comment obtenir l’autorisation de réutiliser des données publiques ?

Bien que les données publiques soient librement accessibles et spontanément diffusées par l’administration pour les plus pertinentes (sauf cas particuliers – cf ci-dessus), elles peuvent être uniquement réutilisées selon les modalités prévues par les articles L.321-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration (issus pour l’essentiel de la loi pour une République numérique).

Ainsi, toute personne qui souhaite réutiliser ces informations doit saisir l’administration détentrice d’une demande d’autorisation préalable, en précisant un certain nombre d’informations qui permettront à l’administration d’analyser la demande et de se prononcer.

Le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut rejet de cette demande. Toute décision de refus doit être motivée et comporter la mention des voies et délai de recours.

En cas de refus de communication, le demandeur doit saisir la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs). En cas d’avis négatif de la CADA, le demandeur peut former un recours contentieux devant le tribunal administratif.

La personne autorisée à réutiliser des informations publiques ne peut bénéficier d’un droit d’exclusivité sauf si celle-ci lui est nécessaire pour exercer d’une mission de service public.

  1. La réutilisation des données publiques est-elle gratuite ou payante ?

Conformément aux objectifs de transparence et de valorisation de la donnée publique, la réutilisation d’informations publiques est en principe gratuite.

Dans certains cas, restreints pour le moment, la réutilisation peut donner lieu au paiement d’une redevance au profit de l’autorité détentrice (service de l’Etat ou autres personnes publiques dont l’activité principale consiste à traiter des informations publiques).

Pour l’Etat, la liste des informations et administrations susceptibles d’être concernées par la perception d’une redevance est fixée par décret. Il s’agit, pour les quatre prochaines années des organismes suivants :

  • L’institut national de l’information géographique et forestière ;
  • Météo-France ;
  • Le service hydrographique et océanographique de la marine ;
  • L’Etat et ses établissements publics à caractère administratif pour des informations issus des opérations de numérisation des fonds et des collections des bibliothèques.
  1. Que dit la loi sur les données à caractère personnel ?

La réutilisation d’informations publiques comportant des données à caractère personnel est soumise au respect de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La loi prévoit à cet égard que l’autorité détentrice prend en charge l’anonymisation des données, étant précisé que la notion d’anonymisation revêt un sens précis en ce qu’elle consiste à utiliser un ensemble de techniques « de manière à rendre impossible toute identification ou réidentification des personnes, par quelque moyen que ce soit et de manière irréversible » comme cela a été rappelé par la CNIL (Commission Informatique et Libertés) dans son avis du 19 novembre 2015 sur le projet de loi pour une République numérique.

Dans ce même avis, la CNIL a rappelé que la vérification préalable des processus d’anonymisation, sous son contrôle, constitue un impératif majeur pour une ouverture des données respectueuse des droits des personnes et la loi pour une République numérique contient des dispositions en ce sens.

  1. La réutilisation de données publiques est-elle soumise à une licence d’utilisation ?

L’accès aux données diffusées par l’administration repose ainsi essentiellement par la mise à disposition de jeux de données en ligne sur www.data.gouv.fr. Le plus souvent, une licence d’utilisation doit être acceptée.

A cet égard, la loi pour une République numérique a prévu que dans l’hypothèse où une administration ouvrant ses données gratuitement décide de conditionner leur réutilisation au respect d’une licence, celle-ci devra être choisie parmi celles figurant sur une liste fixée par décret. Le décret du 27 avril 2017 relatif aux licences de réutilisation à titre gratuit des informations publiques et aux modalités de leur homologation prévoit ainsi deux situations :

Pour les informations publiques de manière générale, l’administration peut soumettre la réutilisation à titre gratuit des informations publiques qu’elle détient aux licences suivantes :

  • La licence ouverte de réutilisation d’informations publiques ;
  • L’Open Database License

Pour les informations publiques revêtant la forme d’un logiciel, l’administration peut soumettre leur réutilisation à titre gratuit aux licences suivantes :

  • Les licences dites “permissives” nommées “Berkeley Software Distribution License”, “Apache”, “CeCILL-B” et “ Massachusetts Institute of Technology License” ;
  • Les licences “avec obligation de réciprocité ” nommées “Mozilla Public License”, “GNU General Public License” et “CeCILL”.

Enfin, il faut noter que les acteurs publics pourront déroger à cette règle, à condition que la licence voulue soit préalablement homologuée par l’État, dans les conditions fixées par le décret précité.

  1. Que risque-t-on en cas de non-respect des conditions de réutilisation des données publiques ?

Comme évoqué ci-dessus, la réutilisation de données ouvertes n’emporte pas la possibilité de tout faire avec ces données (respect de la règlementation en vigueur en matière de protection de données personnelles, respect des conditions d’une licence d’utilisation le cas échéant, etc.).

La réutilisation d’informations publiques sans accord de l’autorité détentrice ou en méconnaissance des conditions de réutilisation prévues par une licence peut être sanctionnée par une amende prononcée par la CADA d’un montant maximum d’un million d’euros. La sanction est alourdie en cas de manquements réitérés.

Farid Bouguettaya – Avocat associé, Artemont.

Farid Bouguettaya dispose d’une grande expérience des questions soulevées par le digital et l’innovation. Il intervient sur des problématiques relatives au droit des nouvelles technologies (internet, e-commerce, données personnelles, contrats informatiques), ainsi qu’en droit des médias et propriété intellectuelle. Sa pratique couvre également la rédaction et la négociation de contrats commerciaux et le droit économique (consommation, publicité, relations commerciales) et dispose d’une très bonne connaissance de la règlementation européenne sur ces différents sujets.

Vincent Drain – Avocat associé, Artemont.

Vincent Drain intervient dans le domaine du droit public, essentiellement en matière de passation et d’exécution des contrats dans les secteurs des services informatiques, de la santé, des transports et des services publics. Il traite également des problématiques liées à l’intervention de personnes publiques dans la sphère économique (octroi d’aides, prise en charge d’activités concurrentielles, création de personnes juridiques liées, régulation).

Artemont est un cabinet d’avocats intervenant en droit des affaires pour une clientèle de dirigeants, de sociétés et d’institutionnels à la fois en droit privé et public des affaires, en conseil comme en contentieux.

Le cabinet offre une combinaison de compétences et de connaissances sectorielles en technologies/médias, propriété intellectuelle, corporate, droit économique, public des affaires, pénal des affaires ou encore immobilier et urbanisme, afin d’accompagner ses clients en conseil et contentieux

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